Les autorités en charge de la conformité, tous secteurs confondus, publient à chaque début d’année civile, ce que les juristes et autres gestionnaires de risque appellent leur « programme de contrôle ». L’expression est indéniablement réductrice. D’une part, les axes et thématiques ainsi définis peuvent tout à fait annoncer la publication de rapports ou la mise en place de softlaw. D’autre part, s’agissant de l’activité contentieuse, ces programmes n’excluent en aucun cas du champ des contrôles et visites les autres secteurs d’activité.
En 2019, c’est à l’Autorité de la Concurrence qu’il est revenu d’ouvrir le bal en publiant ses priorités[1]. Sur les six secteurs et thématiques d’action identifiés, deux devraient retenir l’attention de l’industrie de la santé électronique.
L’Autorité a mentionné à son programme la santé. La motivation de l’inscription de la santé au programme 2019 pourrait être rassurante pour les industriels de l’e-santé, puisqu’il y est précisé que sera publié en début d’année un avis portant sur les secteurs de la distribution du médicament et de la biologie médicale. Des problématiques a priori éloignées du numérique. Mais cette motivation précise également que la santé fait face à de « nouveaux enjeux concurrentiels et économiques ». La périphrase pourrait tout à fait sinon désigner, à tout le moins englober, la « digitalisation » de la santé. Les développements de la pharmacie d’officine en ligne, la recherche de nouveaux modèles économiques autour de la valorisation de la donnée et la consécration de la télémédecine constituent en effet des enjeux concurrentiels et économiques. En effet, le rapport classique vendeur/acheteur qui s’était établi entre les industriels et les professionnels et établissements de santé est désormais profondément modifié par l’intermédiation et l’apparition de partenariats pour concevoir et développer des algorithmes d’intelligence artificielle. Reste à savoir si les enjeux de la santé numérique sont « nouveaux » pour l’Autorité de la Concurrence. Les connaisseurs se rappelleront en effet sans doute qu’elle est déjà intervenue à plusieurs reprises sur le secteur de l’e-santé, et plus particulièrement en ce qui concerne la dématérialisation de l’officine pharmaceutique.
Le détail de la motivation de l’inscription du numérique au programme 2019 peut permettre d’envisager une focalisation autour de l’utilisation des données dans le secteur de la santé. L’Autorité de la Concurrence est en effet en train de travailler sur les algorithmes avec son homologue allemande, la Bundeskartellamt, et elle annonce sa volonté de continuer son travail d’enquêtes contentieuses en matière d’utilisation des données, dans le secteur de la publicité en ligne. En 2019, la prudence devrait donc être de mise pour la mise en place des partenariats et le déploiement des nouveaux modèles économiques.
La recommandation est d’autant plus pressante que pour mémoire, algorithmes et utilisation des données en ligne ont été au cœur des préoccupations de la CNIL en 2018 (et ce alors que cela ne figurait pas à son programme[2]). Pour mémoire, la santé est une thématique fréquemment retenue par la Commission. En 2016, elle avait ainsi annoncé le contrôle du SNIIRAM, tandis qu’en 2017 était prévu un travail sur la confidentialité des données de santé traitées par les sociétés d’assurance. Un croisement des programmes de l’Autorité de la Concurrence et de la CNIL reste donc tout à fait possible.
[1]L’Autorité de la concurrence annonce ses priorités pour l’année 2019, Communiqué du 11 janvier 2019.
[2]Quelles thématiques prioritaires et quelle stratégie de contrôle pour 2018 ?, Communiqué du 2 juillet 2018.
Pierre Desmarais
Avocat
Article publié précédemment sur le site de mind Health