Pour une fois en 2023, parlons d’un mouvement social sans lien avec la réforme des retraites. Celui ayant frappé l’administration pénitentiaire, à l’hiver 2017-2018, et ayant donné lieu à une étonnante décision du Conseil d’Etat.
🚫 Les agents de l’administration pénitentiaire, au regard de leurs fonctions, sont assez logiquement privés du droit de grève. En revanche, à l’instar de tout travailleur, ils peuvent bénéficier d’un congé maladie. Cela ne peut leur être refusé que si au terme d’une contre-visite par un médecin agréé, le bien-fondé de leur absence est remis en cause.
Lors du mouvement social de 2018, l’administration pénitentiaire a reçu un nombre important et inhabituel d’arrêts maladie, l’ayant conduit à suspecter une grève « clandestine ». Elle a alors refusé aux agents le bénéfice de leur congé maladie. Mais ce sans contre-visite médicale, faute de pouvoir contrôler tous les agents concernés.
🏛️ Immanquablement, ces refus ont été contestés en justice.
Le Conseil d’Etat les a pourtant validés. Il considère que la contre-visite médicale peut ne pas être réalisée, lorsque des « circonstances particulières » – en l’occurrence, un mouvement social de grande ampleur et surtout la réception d’un nombre important et inhabituel d’arrêts de travail sur une courte période – sont établies. A charge alors pour les agents de contester en justice la position de leur administration.
Cette solution, certes dictée par l’intérêt général, soulève toutefois deux problématiques majeures.
L’une tient à l’inversement de la charge de la preuve : alors que c’était à l’employeur de contester le bien fondé de l’arrêt maladie, c’est désormais à l’agent d’établir que son état de santé l’empêche de travailler. Les règles de contentieux administratif permettront sans doute de pallier cette difficulté.
En revanche, aucune règle de contentieux ne permettra de remédier à celle relative à la conformité au RGPD. En effet, en refusant le bénéfice du congé maladie à son agent, l’administration présume que le certificat médical est sinon complaisant, à tout le moins infondé et destiné à contourner l’interdiction du droit de grève.
Elle se livre donc à une appréciation de l’état de santé de l’agent, et ce sans avis médical. Il n’y a qu’un pas alors pour évoquer un traitement de données de santé, dont on pourrait interroger la base juridique.
Et pire. Ce faisant, n’est-elle pas en train d’imputer un comportement passible de sanction disciplinaire à son agent et, accessoirement, au médecin ? Quid alors du principe d’exactitude des données, par le RGPD?