Alors que la prise en charge des actes de télémédecine ont débuté le 15 septembre 2018, décryptons l’impact du décret paru au Journal officiel le 14 septembre.
Les lecteurs réguliers de Mind Health se souviendront peut-être qu’il y a quelque temps encore, je soulignais dans ces lignes que la prise en charge des actes de télémédecine par l’Assurance Maladie, à compter du 15 septembre 2018, ne pouvait être considérée comme une entrée de cette forme d’exercice de la médecine « dans le droit commun ». A l’heure où ces lignes sont écrites, c’est toujours le cas, la télémédecine étant entrée dans le droit français avec la loi d’août 2004 et le Décret Télémédecine d’octobre 2010.
Ceci étant, le 15 septembre peut véritablement être considéré comme le jour de la libéralisation de cette pratique. En effet, un décret en date du 13 septembre 2018 est venu abroger l’obligation de signer avec l’Agence Régionale de Santé un contrat de télémédecine et, entre les acteurs du projet, une convention de télémédecine. Pour mémoire, ces deux documents conditionnaient l’exercice d’une activité de télémédecine de droit commun, c’est-à-dire une activité ne ressortant pas d’une expérimentation. Voilà qui, à n’en pas douter, devrait faciliter l’exercice de la médecine « à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication » pour reprendre les termes de la loi.
Revers de la médaille – mais aussi conséquence parfaitement logique – le décret du 13 septembre 2018 abroge les dispositions du vénérable Décret Télémédecine relatives à la possibilité de financer les activités de télémédecine au titre du fonds d’intervention régional. Désormais, les actes de téléconsultation étant facturables à l’assurance maladie, il n’y a plus lieu de les subventionner. Les fins connaisseurs du dispositif mis en place par l’assurance maladie pourraient critiquer ce point eu égard à la sévérité des conditions liées à la prise en charge des actes de téléconsultation. Oui, mais…
L’aspect le plus libéralisateur du décret du 13 septembre 2018, c’est qu’en supprimant l’obligation de signer un contrat de télémédecine, le texte a fait voler en éclat la pratique des Agences Régionales de Santé consistant à interdire contractuellement tout reste à charge pour le patient. Cette dérégulation conduit donc à retenir l’application des règles de droit commun en matière de facturation des actes médicaux non pris en charge par les caisses.
Une question n’est pas abordée par le décret, celle du « droit transitoire ». Cela signifie que le décret, publié au Journal Officiel du 14, est applicable dans toute la France au 15 septembre. Quid alors des activités de télémédecine de droit commun déjà en place à cette date ? Quid notamment de l’obligation pour les coordonnateurs de ces activités de transmettre leurs indicateurs d’activité aux agences ? tout dépend ici de la nature du contrat de télémédecine. Si l’on s’en tient à la dénomination officielle, le Décret Télémédecine doit continuer à s’appliquer, la date de signature du contrat ayant pour effet de « cristalliser » l’état du droit. Si l’on devait au contraire considérer que le contrat de télémédecine constitue une autorisation administrative préalable, l’abrogation de l’article R6316-6 du Code de la Santé Publique pourrait le priver d’effet et il pourrait cesser immédiatement de recevoir application. Prenons le cas d’un contrat de télémédecine prévoyant une subvention conséquente. La question de la nature juridique de ce contrat serait d’importance, puisqu’elle pourrait déterminer la pérennité des subsides.
Pierre Desmarais
Avocat
IS027001LI / ISO27005RM
Article publié précédemment sur le site de mind Health