Le Code de la Sécurité Sociale contient depuis 1997 des dispositions relatives à la transmission des ordonnances par voie électronique à l’assurance maladie. Malheureusement, le texte reste lettre morte, l’arrêté interministériel censé déterminer les spécifications techniques et particulières ainsi que les modèles de l’ordonnance électronique n’ayant toujours pas été publié. La question intéresse pourtant tous les intervenants du système de santé, comme en témoigne l’article 36.5.1 de l’arrêté du 4 mai 2012 portant approbation de la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d’officine et l’assurance maladie et un avis relatif à l’avenant n° 10 à la convention nationale organisant les rapports entre les orthoptistes et l’assurance maladie, publié au journal officiel, le 11 janvier 2014. Chacun de ces textes comporte des dispositions permettant ou encourageant à développer la télétransmission des ordonnances.
A ce jour, les conditions de la transmission dématérialisée d’une ordonnance à l’Assurance Maladie et, a fortiori, d’un professionnel de santé à un autre restent inconnues. En pratique, des solutions commerciales existent et proposent à des professionnels médicaux de télétransmettre leurs ordonnances aux pharmaciens. Ces services peuvent poser certaines difficultés d’ordre juridique, susceptibles d’aboutir à une action en responsabilité contre le pharmacien.
Préalablement à la dispensation des médicaments prescrits, le pharmacien doit vérifier que les différentes mentions impératives (identité du patient et du professionnel de santé, produits prescrits et posologie, etc.) figurent sur l’ordonnance, mais également l’authenticité et l’intégrité du document. A l’officine, cela se traduit par la vérification de la signature de l’ordonnance et de l’absence de mentions ajoutées, par exemple. L’analyse pharmaceutique de l’ordonnance contribue fortement à cette vérification.
Lorsque l’ordonnance est dématérialisée, comment le pharmacien peut-il s’assurer de l’authenticité et de l’intégrité du document ? Plusieurs solutions techniques existent. Il doit presque obligatoirement s’agir d’un document PDF, numériquement signé et verrouillé pour empêcher toute modification. A cet égard, rappelons que la CPS v3 intègre le certificat numérique nécessaire.
Ceci étant, il va falloir télétransmettre l’eOrdonnance. Oubliez le banal email qui vous exposerait à 5 ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende pour manquement à l’obligation de confidentialité des données de santé.
Le réseau doit être sécurisé. Il doit également tenir compte des dispositions du Code de la Santé Publique qui garantit le libre choix du patient et prohibe tout acte de compérage. Le réseau en question doit donc regrouper sinon l’ensemble des prescripteurs, à tout le moins la totalité des pharmaciens. Ce genre de réseau existe déjà. Les avocats peuvent ainsi dématérialiser leurs échanges via le Réseau Privé Virtuel des Avocats (RPVA).
Dans l’attente de la constitution d’un tel réseau, l’arrêté du 20 juin 2013 relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments par voie électronique permet peut-être d’envisager une solution. L’article 4.1 de l’annexe de cet arrêté précise en effet que l’identification du patient peut résulter de la « délivrance d’un code d’accès et [de l’] attribution d’un certificat électronique ».
Imaginons alors le cas d’un patient disposant d’un DMP. Le prescripteur dépose l’ordonnance électronique signée, verrouillée et certifiée dessus. Rentré à son domicile, il la télécharge avant de la retransmettre à son ePharmacien via le site de commerce électronique de médicament de ce dernier. Le document est sûr, les communications chiffrées, l’hébergeur agréé par le Ministre, les dispositions du CSP respectées et l’ordonnance télétransmise.
Est-ce suffisant ? Non, il faut encore que le pharmacien puisse disposer des moyens nécessaires à vérifier la signature et l’authenticité de l’ordonnance.
Sauf à savoir comment passer outre ce chaînon manquant, le pharmacien dispensant les produits figurant sur une prescription transmise par voie électronique prendrait un risque juridique sérieux. S’il délivrait une prescription paraissant cohérente, il pourrait se voir reprocher de ne pas avoir vérifié l’intégrité et l’authenticité du document.
Prudence, donc, et ce tant au niveau technique que juridique.