Depuis le 1er janvier 2016, tout professionnel de santé exerçant en établissement de santé public est tenu d’utiliser, pour ses échanges professionnels, la messagerie sécurisée de santé (MSSanté). Pour ce faire, opérateurs de messagerie, industriels et opérateurs ont mis les bouchées doubles, durant l’année 2015, afin d’être compatibles avec ce système et de pouvoir proposer le service à leurs clients.
Mais on peut s’interroger quant à la solidité de ce Léviathan numérique. Pourquoi ?
Déjà, parce que l’autorisation délivrée par la CNIL à l’ASIP Santé pour la mise en œuvre de la MSSanté est temporaire. Elle n’a été délivrée que pour une durée de deux ans :
« Dans ces conditions, la Commission autorise la mise en œuvre à titre expérimental de la première et de la deuxième version du service MSS par l’ASIP Santé pendant une durée de deux ans. » Délibération n° 2013-096 du 25 avril 2013 autorisant la mise en œuvre à titre expérimental du service national de « Messagerie Sécurisée de Santé » par l’Agence des Systèmes d’Information Partagés de Santé »
Les plus observateurs noteront d’ailleurs que ce délai a expiré… sans que la CNIL ait apparemment été saisie de nouveau, comme le révèle une recherche sur Légifrance.
Pas bien grave, me direz-vous.
Effectivement. Cela peut se corriger « rapidement ».
Mais d’autres griefs peuvent être retenus contre la MSSanté, et principalement en ce qui concerne l’interopérabilité du système.
A ce stade, tout connaisseur dudit système devrait en principe tiquer. En effet, la raison d’être de la MSSanté est l’interopérabilité. Oui… Mais en France, exclusivement.
Or, la directive Soins Transfrontaliers impose aux Etats membres de prendre les mesures permettant à tout professionnel de santé installé dans l’Union Européenne de contacter par email un professionnel installé dans un autre Etat membre. Cette obligation est à l’origine du décret n° 2013-1216 du 23 décembre 2013 qui a imposé la mention sur les ordonnances de l’adresse email du prescripteur.
Résumons :
Directive Soins Transfrontaliers + Circulaire MSSanté
=
Obligation de mentionner sur l’ordonnance l’adresse MSSanté
Logique, non ?
Mais si l’on suit la logique, la MSSanté est contraire à l’obligation posée par la directive Soins Transfrontaliers, puisqu’elle ne permet pas à un professionnel de santé n’exerçant pas en France (et donc n’étant ni détenteur d’une CPS ni inscrit dans un annuaire de professionnels de santé français) d’échanger par email avec un confrère exerçant dans ce même Etat.
Admettons. Comment passer outre cette difficulté ?
Certains estimeront qu’il suffit d’avoir deux emails : l’un pour la France, l’autre pour l’UE. Mais ce palliatif exposerait les praticiens à un véritable risque médico-légal. Quid si à force de jongler avec deux adresses, un email urgent relatif à un patient n’était pas traité ?
D’autres considéreront qu’il faut désobéir à la circulaire MSSanté. Délicat, voire impossible, notamment au plan organisationnel.
La solution doit donc venir d’en haut, soit de l’Etat français, soit directement de l’Union Européenne qui pourrait – pourquoi pas ? – adopter la MSSanté…