Il y a quelque temps, je publiais sur ce blog un billet intitulé « La télémédecine c’est… de l’e-commerce« .
S’ensuivait alors un débat passionné sur le réseau social Twitter avec des médecins choqués par une interprétation du droit communautaire entrant si violemment en conflit avec le traditionnel adage « la médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce » (art. R4127-19 CSP). Ces échanges s’étaient clos sur un lapidaire « Les juges trancheront« .
A mon sens, ils n’en ont pas besoin, l’article 2, f de la directive n° 2011/24 du 9 mars 2011 relative à l’application des droits des patients en matière de soins de santé transfrontaliers étant suffisamment clair :
« Lien avec d’autres dispositions de l’Union
Pour mémoire, cette directive, c’est la directive sur le commerce électronique, d’où ma conclusion selon laquelle la télémédecine, c’est de l’e-commerce. Avouons que le Parlement et le Conseil n’ont pas forcément été fair-play, sur ce point, puisqu’alors que les 18 autres textes cités sont nommés, seule celle qui nous intéresse n’est visée que sous son numéro !
Mais voilà que les juges européens ont dû se pencher (indirectement, certes) sur la question. En l’occurrence, la Cour était saisie d’une question préjudicielle quant à l’euro-compatibilité du code de déontologie médicale allemand, en ce qu’il interdit la publicité (CJUE, 12 septembre 2013, Kostas Konstantinides, n° C-475/11).
Dans ce cadre-là, l’Avocat Général s’est interrogé quant aux dispositions au vu desquelles il convenait d’examiner la licéité du code allemand.
Naturellement, il a exclu la directive Services du 12 décembre 2006 (n° 2006/123), son article 2§2, f excluant clairement de son champ d’application les soins de santé.
S’agissant de la directive e-Commerce (n° 2000/31/CE), l’Avocat Général a en revanche été contraint de préciser la raison pour laquelle il ne l’appliquait pas :
Vous l’aurez noté : cette inapplicabilité résulte exclusivement de ce que « les services médico-chirurgicaux (…) exigent forcément la présence physique du prestataire et du destinataire du service« .
Ce faisant, l’Avocat Général confirme ce qui résultait de la directive Soins Transfrontaliers, à savoir l’application de la directive e-Commerce à la télémédecine !
La Cour évoque d’ailleurs non pas des patients, mais bel et bien des consommateurs :
« Cela étant, ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 68 de ses conclusions, l’application de manière non discriminatoire, à un professionnel de la médecine établi dans un autre État membre, de règles nationales ou régionales encadrant, au regard d’un critère relatif à l’éthique professionnelle, les conditions dans lesquelles un tel professionnel peut promouvoir ses activités dans le domaine concerné peut être justifiée par des considérations impérieuses d’intérêt général tenant à la santé publique et à la protection des consommateurs, pour autant que, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, l’application éventuelle de sanctions à l’égard d’un professionnel faisant usage de la libre prestation de services est proportionnée au regard du comportement reproché à l’intéressé. » § 57 de l’arrêt
La télémédecine c’est… de l’e-commerce !