Le 8 janvier 2015, la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) a rendu un avis au terme duquel elle considère que le code-source d’un logiciel développé par l’Etat constitue un document administratif communicable à tout intéressé et librement réutilisable.
La seule réserve évoquée par la CADA ? L’existence « de droits de propriété intellectuelle détenus par des tiers à l’administration ».
Pour autant, récupérer le code source d’un logiciel en vue de le réutiliser ne paraît pas si simple. Tant s’en faut !
Commençons par un point de terminologie. Lorsque l’on demande à la CADA un avis sur la communication d’une information, celle-ci est qualifiée de « document administratif » :
« Sont considérés comme documents administratifs, au sens des chapitres Ier, III et IV du présent titre, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l’Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d’une telle mission. Constituent de tels documents notamment les dossiers, rapports, études, comptes rendus, procès-verbaux, statistiques, directives, instructions, circulaires, notes et réponses ministérielles, correspondances, avis, prévisions et décisions. »
Si l’on souhaite pouvoir réutiliser cette information à une quelconque fin, elle devient une « information publique ».
Partant, pour pouvoir constituer une « information publique », il faut au préalable avoir été un document administratif :
« Les informations figurant dans des documents produits ou reçus par les administrations mentionnées à l’article 1er, quel que soit le support, peuvent être utilisées par toute personne qui le souhaite à d’autres fins que celles de la mission de service public pour les besoins de laquelle les documents ont été produits ou reçus. »
Vous me suivez toujours ? En clair, il faut comprendre que la réutilisation d’une information publique suppose au préalable que ladite information soit considérée comme un document administratif communicable. La réutilisation procède de la communicabilité.
Ok. Partant de là, existe-t-il un motif permettant de s’opposer à la réutilisation du code-source d’un logiciel? Oui ! Et ça tient en deux mots : la « propriété intellectuelle ».
L’article 10 de la loi écarte en effet la possibilité de réutilisation d’informations publiques « sur lesquels des tiers détiennent des droits de propriété intellectuelle ».
Or, les logiciels sont protégés à ce titre, conformément aux dispositions de l’article L112-2 du Code de la Propriété Intellectuelle.
Et l’auteur ne peut pas être l’Etat : la Cour de Cassation a été très claire sur le sujet : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’une personne morale ne peut avoir la qualité d’auteur, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
L’agent public à l’origine du logiciel reste le seul auteur. Il conserve le droit moral sur l’œuvre :
« L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une oeuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code. Sous les mêmes réserves, il n’est pas non plus dérogé à la jouissance de ce même droit lorsque l’auteur de l’oeuvre de l’esprit est un agent de l’Etat, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public à caractère administratif, d’une autorité administrative indépendante dotée de la personnalité morale ou de la Banque de France. »
« Sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l’exercice de leurs fonctions ou d’après les instructions de leur employeur sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer.
(…)
Les dispositions du premier alinéa du présent article sont également applicables aux agents de l’Etat, des collectivités publiques et des établissements publics à caractère administratif. »
Partant de là, un logiciel est (presque, me diront les puristes) nécessairement grevé de droits de propriété intellectuelle et ces droits appartiennent nécessairement à un tiers.
Son code-source ne devrait donc pas s’analyser comme une information publique librement réutilisable.
Espérons-le pour l’Agence du Patrimoine Immatériel de l’Etat, en tout cas. Sinon, son champ d’intervention risque d’être sérieusement revu à la baisse.