Dans un récent jugement (TA Bordeaux, 3 octobre 2023, n° 2004029), le Tribunal Administratif de Bordeaux a considéré que « l’incapacité d’un établissement de santé à communiquer aux experts judiciaires l’intégralité d’un dossier médical n’est pas, en tant que telle, de nature à établir l’existence de manquements fautifs dans la prise en charge du patient ».
Les conséquences « médico-légales » de cette carence doivent être appréciées par le juge, pour déterminer si une faute peut être reprochée à l’établissement. Mais là n’est pas vraiment le sujet.
Il tient plutôt à ce que ce type de carence, dans un dossier médical, reste fréquent, et ce malgré la croissance forte des documents nativement numériques.
La sécurité de l’information tient non seulement à la confidentialité et à l’intégrité des données, comme le rappelle le RGPD, mais également à leur disponibilité.
Un patient pourrait-il alors rechercher la responsabilité d’un établissement de santé du simple fait de l’indisponibilité d’un élément de son dossier médical?
Vous me voyez venir, j’imagine.
Cette absence d’un élément, dans le dossier médical, s’il ne suffit pas à établir une faute dans la prise en charge du patient, peut être révélatrice d’un manquement, donc, au RGPD. Heureusement, un tel manquement ne suffit pas à déclencher la réparation d’un « dommage » subi par la personne concernée (CJUE, 4 mai 2023, Österreichische Post AG, n° C-300/21).
Reste que ce manquement, en revanche, pourrait constituer une violation de données, voire donner lieu à une procédure devant la CNIL. A cet égard, son homologue espagnole a déjà considéré que l’engagement d’une procédure disciplinaire contre un paramédical ayant accédé à un dossier médical de façon illégitime valait, pour le responsable de traitement, reconnaissance d’une violation de l’obligation de sécurité (AEPD, novembre 2022, n° PS/00587/2021).
A l’instar du droit du travail, le droit médical doit donc composer avec la transversalité du RGPD.
Dans vos établissements, quels moyens avez-vous mis en oeuvre pour améliorer la complétude des dossiers médicaux ?